










Prima Materia
Exposition personnelle
Solo show
Galerie Dilecta, Paris
2022
"Tout commence avec une matière source: la cire. Plastique, diaphane, fragile, polymorphe, sensuelle voire charnelle, elle est aussi symbolique : associée à la lumière, aux promesses de vœux lorsqu'elle se fait ex-voto, à la divination et à la sorcellerie, à la mort, à la mémoire du défunt dont les traits auront été transférés sur un masque mortuaire, comme pour toucher à l'éternité, au passage de l'âme dans l'au-delà lorsque la chandelle se consume, à la renaissance du corps momifié dans l'Égypte antique… Cette matière se fait forme, signe et aussi symbole. Mais par sa capacité de transformation et à traverser différents états – de la liquéfaction à la solidification en s'appuyant sur les 4 éléments que sont le feu, l'eau, l'air et la terre – elle se charge d'une dimension alchimique qui répond à la manière de travailler de Juliette Minchin. Les œuvres monumentales créées pour ses expositions sont généralement détruites, recyclées, fondues et rejoignent la matrice qui contient ainsi le champ des possibles, celui des œuvres à venir. Un peu comme l'océan primordial duquel émerge le démiurge prêt à façonner le monde, cet espace indéterminé contient à la fois le créé et l'incréé, le mouvement et l'immobilité, la lumière et l'ombre, les principes masculin et féminin, le yang et le yin de la pensée orientale. La cire retourne à la cire avec, entre deux, l'étincelle de la création qui jalonne une longue trajectoire aux allures de chemin initiatique, une quête qui se nourrit d'archéologie, d'anthropologie et d'ethnologie. Juliette Minchin s'intéresse à des concepts universels partagés par de nombreuses cultures et met ainsi l'humain en perspective. Chez elle, le processus mis en branle est tout aussi important que l'œuvre achevée ; création et destruction sont les deux versants d'une même médaille qui s'enrichit d’une énergie créatrice, d'une charge « magique » – on serait tenté de compléter d'une « âme ». Une œuvre protéiforme sans fin, un genre d'organisme vivant.
Souffles fragmentaires
Depuis qu'elle a adopté cette cire il y a 3 ans, la quantité de sa "matrice" n'a pratiquement pas changé, 400 kg. Les drapés, qui se font chair et peau, suspendus sur ces squelettes d'architectures, retournent au «néant» en attendant de prendre corps pour un autre projet. Sauf à quelques exceptions près, tels les drapés-sujets des photogrammes créés pour l'exposition de Dilecta. À part, suffisamment mystérieux et saisissant la justesse d’un mouvement empreint de hasard, ils demeurent dans l'atelier, privilégiés. Ils rejoignent le cycle de la création autrement grâce, cette fois, à un autre élément constitutif de l'œuvre de Juliette Minchin : la lumière. Traversant les fragments de tentures de cire plus ou moins denses, elle impressionne le papier photosensible pour créer une image troublante, une sorte de voile étrange où se superposent des strates de transparences et d'opacités. Un souffle énigmatique. Il s'agit d'une autre façon de matérialiser un mouvement et de dessiner les contours de ces instants où le temps est suspendu, par la cristallisation de la lumière."
Un morceau du cosmos
Les dessins de cire renvoient quant à eux à une autre expérimentation comme elle le relate : « Au départ, je mets de la suie que j'ai grattée de ce bout de bois brûlé que j'ai rapporté de Sicile (où j'ai fait une résidence marquante) et que je mélange avec du graphite, du fusain et des pigments d'Arménie. Après avoir projeté de l'eau vivement, je rince le papier que je trempe dans la cire. Une fois figée, je gratte la surface en chauffant avec un sèche-cheveux et ainsi, le papier devient translucide. » En opposition à ses drapés baroques, ces feuilles plates sont comme des peaux tannées et tendues qui, rétroéclairées, révèlent des lignes d'une chiromancie imaginaire ou nous emmènent dans un ciel de fête. Elle saisit un éclat, une détonation, un morceau du cosmos. Dans cette série, les «Hydromancies», elle co-crée avec l'eau qui impulse la dynamique du trait, là où dans la série des photogrammes – les «Cérogrammes» – c'est la lumière qui fait image. «Dans les photogrammes, le noir matérialise les espaces où passe la lumière alors que dans les dessins, c'est l'inverse, c'est l'eau qui crée l'image. Comme un feu d'artifice, le yang éclaire le yin. La lumière traverse l'ombre.» Dans les deux cas, le temps s'arrête juste pour saisir quelque chose de furtif que l'on n'aurait pas vu si l'œuvre n'en gardait la trace.
Stephanie Pioda.
It all begins with a source material: wax. Plastic, diaphanous, fragile, polymorphous, sensual, even carnal, wax is also symbolic: associated with light, with the promise of vows when it becomes an ex-voto, with divination and witchcraft, with death, with the memory of the deceased whose features will have been transferred onto a death mask, as if to touch eternity, with the passage of the soul into the afterlife when the candle burns out, with the rebirth of the mummified body in ancient Egypt... This material becomes form, sign and also symbol. But its capacity to transform and go through different states - from liquefaction to solidification, relying on the 4 elements of fire, water, air and earth - gives it an alchemical dimension that reflects Juliette Minchin’s way of working. The monumental works created for her exhibitions are generally destroyed, recycled or melted down, joining the matrix that contains the field of possibilities, that of future works. Rather like the primordial ocean from which the demiurge emerges to shape the world, this indeterminate space contains both the created and the uncreated, movement and immobility, light and shadow, masculine and feminine principles, the yang and yin of Eastern thought.
Wax returns to wax, with the spark of creation in between, marking out a long trajectory that resembles a path of initiation, a quest nourished by archaeology, anthropology and ethnology.
Juliette Minchin is interested in universal concepts shared by many cultures, putting the human in perspective. For her, the process set in motion is just as important as the finished work; creation and destruction are two sides of the same coin, enriched by a creative energy, a «magical» charge - one might be tempted to add a «soul». An endless protean work, a kind of living organism.
Fragmentary breaths
Since adopting this wax 3 years ago, the quantity of her «matrix» has remained virtually unchanged at 500 kg. The draperies, which become flesh and skin, suspended on these architectural skeletons, return to «nothingness», waiting to take shape for another project. With a few exceptions, such as the draped subjects of the photograms created
for the Dilecta exhibition. Separate, mysterious enough to capture the a ccuracy of a movement imbued with chance, they remain in the studio, privileged. This time, they return to the cycle of creation in a different way, thanks to another constitutive element of Juliette Minchin’s work : light. Passing through fragments of wax hangings of varying densities, she imprints the photosensitive paper to create an unsettling image, a kind of strange veil superimposed with layers of transparencies and opacities. An enigmatic breath. It’s another way of materializing move- ment and outlining those moments when time is suspended, through the crystallization of light.
A piece of the cosmos
The wax drawings, for their part, refer to another experiment, as she explains: «Initially, I use soot that I scraped off this piece of burnt wood that I brought back from Sicily (where I had an outstanding residency), which I mix with graphite, charcoal and Armenian pigments. After spraying with water, I rinse the paper and dip it in the wax. Once the wax has set, I heat the surface with a hair-dryer and the paper becomes translucent. In contrast to her baroque draperies, these flat sheets are like tanned, taut skins that, when backlit, reveal lines of imaginary palmistry or take us into a festive sky. She captures a sparkle, a deto- nation, a piece of the cosmos. In this series, the «Hydromancies», she co-creates with water, which drives the dynamics of the line, whereas in the series of photograms - the «Cérogrammes» - it’s light that makes the image. In the photograms, black materializes the spaces through which the light passes, whereas in the «Cerograms» series, it’s light that makes the image.
«In the photograms, the black materializes the spaces through which the light passes, whereas in the drawings, it’s the other way round, with water creating the image. Like fireworks, yang illuminates yin. Light cuts through shadow. In both cases, time stands still, just to capture something furtive that we wouldn’t have seen if the work hadn’t kept track of it.
Stéphanie Pioda
1. Vue générale
2. Hydromancie 2, 2022, poudre de graphite, bois brûlé de Sicile, poudre de fusain, pigments minéraux d’Arménie, bistre, cire recyclée, L.55 H.65 cm
3. Sans relâche, Fragment 201g, 2022, cire, L.30 l.15 h.30 cm
4-5. Cérogrammes, 2022, épreuves gelatino-argentique, papier baryté mat, 35 x 25 cm
6. Vue générale
7. Hydromancie 10, 2022, poudre de graphite, bois brûlé de Sicile, poudre de fusain, pigments minéraux d’Arménie, bistre, cire recyclée, L.27 H.33 cm
8. Hydromancie 20, 2022, poudre de graphite, bois brûlé de Sicile, poudre de fusain, pigments minéraux d’Arménie, bistre, cire recyclée, h.225 l.125 cm
9. Hydromancie 8, 2022, poudre de graphite, bois brûlé de Sicile, poudre de fusain, pigments minéraux d’Arménie, bistre, cire recyclée, L.27 H.33 cm
10. Vue générale
11. Hydromancie 4, 2022, poudre de graphite, bois brûlé de Sicile, poudre de fusain, pigments minéraux d’Arménie, bistre, cire recyclée, L.55 H.65 cm
12. Hydromancie 11, 2022, poudre de graphite, bois brûlé de Sicile, poudre de fusain, pigments minéraux d’Arménie, bistre, cire recyclée, L.55 H.65 cm