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Bouquet

Exposition personnelle, Galerie Anne-Sarah Bénichou

« Un palais à Palerme aux murs délavés, les vitrines du musée archéologique de Syracuse, les murs en plomb d’un souterrain fellinien, des chapelles dans la campagne sicilienne et quelques marches sur des volcans... Tels sont les paysages qui se sont récemment sédimentés dans les recherches de Juliette Minchin. Ou bien, plus exactement, qui lui ont permis de cristalliser des orientations prises au cours des mois précédent, et de renforcer dans ses recherches la tension permanente entre force et fragilité, pesanteur et légèreté, éternel et éphémère.

Pour ses premiers travaux, elle utilisait de la cire couleur de chair, fondue dans son atelier comme dans le laboratoire d’un chimiste. De ce matériau doux et ombrageux, elle faisait naître des drapés immobiles sur des structures métalliques. Puis l’expérience d’une tempête qui a bouleversé un accrochage en 2021, à la Monnaie de Paris, l’a poussée à assumer une part performative nouvelle dans son œuvre. L’idée de réparation est devenue partie prenante de sa création. Elle a utilisé le bois, la pierre mais aussi la porcelaine, la céramique pour façonner des lampes en raku dont les formes féminines abritent la flamme d’une bougie, et même des feuilles de plomb avec lesquelles elle a reprisé ses structures et réalisé des malles. Ces matières ont en commun leur malléabilité, mais aussi le fait de pouvoir être récupérées et utilisées selon le rythme d’un éternel retour.

Comme une gerbe de fleurs, ou comme un feu d’artifice, de ceux qui jalonnent la vie quotidienne en Sicile, des mariages aux sorties de prison, l’exposition « Bouquet » réunit un ensemble d’œuvres réalisées au cours de l’année passée. Un bouquet de roses, c’est aussi le motif que Juliette Minchin déploie dans «La Croix, veillée aux épines»à l’abbaye de Beaulieu-en- Rouergue». Cette installation monumentale qui lui a été commandée dans le cadre du programme Mondes nouveaux est à l’origine du panneau présent dans l’exposition, qu’elle a recouvert de cire en le plongeant dans des bains successifs comme les artisans des ciergeries traditionnelles siciliennes. Il sera allumé pour faire entrer dans l’exposition cette part de vie dont elle anime souvent ses objets.

Qu’ils soient purement formels ou que l’on y devine des images, les motifs que Juliette Minchin déploie dans ses œuvres évoquent le sacré, sans s’avancer jusqu’au seuil du religieux. Une couronne de bougies est transformée en sculpture florale – avec épines. Votive, peut-être. Dans ces ambiguïtés de la cire, le ton est tour à tour grave, absurde ou plus léger. Ses grands dessins, qu’elle nomme « Hydromancies », composés par les mouvements de pigments et d’eau sur du papier puis trempés dans de la cire, ont l’allure de parchemins, de mandalas ou rouleaux de prières. D’ailleurs l’esprit s’est même introduit dans ses formes : un œil est apparu dans ces compositions. Peut-être pourrait-on y lire l’avenir. Ils invitent à cultiver l’incertitude. »

Anaël Pigeat

Photographies © Nicolas Brasseur

Galerie Anne-Sarah Bénichou, Paris, France

2023.

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